Photo ci dessus : Andrea Ferin (PWA) en foil - Flotteur NoveNove Aero Pro, voile Challenger Sails Aero FoilVous vous êtes peut être demandé pourquoi les voiles de foils utilisées en PWA avaient ce profil très élancé… et quels sont leurs avantages/désavantages pour nous autres amateurs.
On en a souvent parlé avec mon pote Hugues (c'est lui qui m'a encouragé à me lancer en foil, merci Hugues), on n’arrivait pas à tout bien comprendre, et j’ai pris le temps un soir d’appeler Claudio Badiali, le designer de Challenger Sails, pour en parler avec lui…
Je partage dans ce post ce qu'il m'a expliqué.
Petite info : j'ai posté initialement ce texte sur Windsurfbreizh22 (le site de mon département de pratique), puis je me suis dit que ca pouvait intéresser des personnes sur W33....Pour bien comprendre le design de ces voiles, il faut d’abord bien voir qu’elles ont été conçues pour des parcours de type triangle Olympique en PWA :
- du près serré dès le départ,
- du grand largue,
- des jibes (si possible sans touchettes).
Le format de type Triangle Olympique est bien différent du format Slalom Downwind : travers/grand largue + jibes et pas de près… Il exige des voiles spécifiques.
Voici les 4 points clés du design selon Claudio Badiali :
(1) Une chute tendue- Le coureur doit arriver le premier après le bord de près : pour cela, il faut que la voile ait une chute tendue. Une chute tendue permet d’avoir le meilleur ratio cap/vitesse (VMG).
L’inconvénient d’une chute tendue, est que la voile sera moins rapide aux allures abattues. Inversement, une voile avec une chute ouverte/molle sera moins efficace au près mais plus rapide sur les allures abattues. C’est pour cette raison que les voiles de slalom ont des chutes molles, car elles sont adaptées au slalom downwind. On pourrait donc s’interroger sur le choix à faire : favoriser la perf au près ou la perf sur les bords de grand largue… Claudio m’a expliqué que la priorité a porté sur le près : le coureur qui arrive le premier à la bouée de près en foil a toutes les chances d’arriver également premier après avoir exécuté le bord de grand largue ; en effet, les bords de largue seront moins différentiants/selectifs que les bords de près. En d’autre terme, les différences de perf entre les voiles sur le bord grand largue seront moins importants que les différences de perf sur les bords de près… donc on a opté pour des chutes tendues…
(2) Une voile fine avec un creux un peu reculéConcrètement, le design de la voile de foil présente un creux un peu reculé (moins calé sur l’avant) et moins prononcé que sur la voile de slalom. Cette caractéristique donne une voile plus fine, qui sera moins rapide au largue, mais plus performante au près… et un peu moins puissante.
Cette finese fait de la voile de foil une voile moins puissante au départ planning que la voile de slalom. Cela signifie qu'il faudra monter en surface par rapport à un design de type slalom pour avoir un départ planning précoce... ce qui explique les grandes surfaces utilisées en foil (8, 9 et 10m2), alors qu'en slalom on va se limiter à 8,6 (ou 9,x m2 pour les plus gros gabarits).
(3) Une voile étroite au wish pour tourner vite et jiber en l’air sans touchetteUne fois qu’un coureur est arrivé premier à la bouée de près, s’il enchaine convenablement le bord de grand largue, il a toutes ses chances de conserver une bonne position. Arrivé au bout de son bord de grand largue, il va devoir jiber sans perdre de vitesse… pour cela il doit jiber sans toucher l’eau. Une clé pour tourner sans toucher l’eau, c’est une rotation de voile rapide… et pour une rotation rapide, il faut un profil étroit pour présenter moins de résistance dans l’air lors de la rotation… C’est pour cette raison que les designers on retiré tout une bande de tissus le long de la chutte, et donc réduit les « Cutaway » (le cutaway c’est le fait que la latte au niveau du wish dépasse de l’oeillet du wish). Conséquence : tout le haut de voile est amputé d’une longue bande de tissus verticale le long de la chute, qui part de l’oeillet du wish pour remonter jusqu’au mat… ainsi la voile est plus étroite et tourne plus vite…
(4) Un mat très long, un profil élancéLe fait de retirer toute une bande de tissus verticale sur la chute retire approximativement 0,6m2 sur une voile d’environ 8m2… Pour récupérer cette perte de surface, il a donc fallu « étirer » les voiles, en allongeant le guindant (exemple : la challenger Aero foil 8m2 a un guindant de 5,30m !). Ainsi, on récupère de la surface en haut de voile. Un des avantages de cette approche est que le vent en hauteur est un peu plus fort qu’en bas de voile… un des inconvénient est qu’un mat plus long présente un bras de levier vertical plus important, c’est un peu plus desatbilisant potentiellement.
Ces 4 éléments combinés expliquent le design choisi pour les formats triangles olympiques en foil.
J’ai demandé à Claudio si cette architecture de voile aidait à stabiliser la hauteur du foil mieux qu’une voile de slalom classique, et sa réponse a été « non » … la hauteur du foil en dynamique est contrôlée par le rider, et c’est au rider de gérer les variations de hauteur dues au variations du vent ou du plan d’eau… simplement, le réglage de référence sera un peu différent d’une voile à l’autre, en fonction notamment de la position du creux (vers l’avant ou l’arrière)…
Comme vous le savez peut être, les choses vont changer pour le format de courses foil en PWA et à l’IFCA pour la prochaine saison : on devrait passer au format Slalom Downwind en foil, ce qui fait que les coureurs n'auront plus besoin de ces voiles dédiées (modulo la rotation au jibe pour les plus grande surface ?) ; ils pourront utiliser un quiver unique de voiles (de type slalom). Ils pourront a priori choisir ensuite d’utiliser un aileron ou un foil… ca va donner des situations où on aura des riders en foil et d'autres en aileron dans les mêmes heats ! Mais c’est une autre histoire…
Pour ce qui concerne les travaux pratiques : en début d’été, Claudio Badiali nous a fait parvenir chez Allience Bretagne un prototype qui avait été utilisé par Maciek Rutkowski. Plus précisément, il s’agit de la version N-1 du prototype (donc quasi finalisée). J’ai pu l’utiliser cet été pour quelques sessions en foil, Pierrick Ducreux a fait quelques bords avec, ainsi que Founette. Je les laisse compléter s'ils le souhaitent. La voile est légère, malgré ses 8m2. Les 4 cambers la rendent un peu plus lourde en statique qu’une voile 0, 2 ou 3 cams, mais ca reste raisonnable, et une fois dans le lit du vent elle n’est plus très physique, sauf s'il faut pomper. En puissance, je la trouve un chouia moins puissante que ma 7,8 de slalom. Dans les claques, la voile est très stable. Elle fonctionne dès 10 kn et on encaisse sans soucis des vents jusqu'à 16/17kn pour mes 80 kg (c’est le controle de l’aile qui va me poser problème). La rotation en jibe est effectivement plus rapide qu’avec une voile à géométrie plus large au wish, ca se sent vraiment… bien entendu, il faut quand même claquer les 4 cambers
. C’est au cap que se trouve le plus gros bénéfice : la voile grimpe au près hyper facilement, et on peut caper bien mieux qu’avec une voile à chute molle (je dirais 5- 10° de mieux)… c’est je pense le principal argument pour des amateurs : explorer le plan d’eau hyper facilement. Pour ceux qui naviguent de temps en temps en Bretagne Nord (Côtes d'Armor, Brest...), et qui aimeraient tester, je la tiens à dispo avec grand plaisir (on échange les voiles sur vos flotteurs et zou)…