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Jean-Claude Goudon cache bien son jeu sous ses airs de papy tranquille, installé à Montélier (Drôme). Ce retraité de 65 ans a remporté le Vendée Globe sur Virtual Regatta et c’est tout sauf un hasard. Ancien ingénieur spécialisé en navigation aérienne et maritime, membre d’une équipe d’esport (Esailing france), il avait tout calculé pour remporter la course virtuelle la plus prestigieuse au monde. Le skipper de Tigrou26120 raconte son succès à RMC Sport. Jean-Claude Goudon, vous êtes le grand vainqueur du Vendée globe virtuel sur Virtual Regatta, quel est votre sentiment après 68 jours, 22 heures, 16 minutes et 4 secondes de course devant votre ordinateur ?
C’est un aboutissement. Ça fait des années que j’essaye de gagner. J’ai déjà remporté une ou deux petites courses mais le Vendée Globe de Virtual Regatta, c’est le Graal des courses virtuelles. C’est le 4e Virtual Regatta - Vendée auquel je participe depuis 2008. Pour arriver à le gagner, il faut deux choses: avoir l’expérience qui va bien, les routeurs qui vont bien, et la chance. L’arrivée aux Sables d’Olonne a été très serrée. Vous gagnez avec moins d’un demi-mille d’avance...
L’Allemand Tournesol II (2e) et surtout le Breton *Kerjouanno* (3e), qui était plus au Sud. Il avait un meilleur angle par rapport au vent et il revenait régulièrement sur moi. Je ne pouvais rien faire d’autre à part aller tout droit. Vous n’espérez qu’une chose à ce moment, qu’il vous reste suffisamment d’avance pour être premier.
Vous avez été très rigoureux sur chaque mise à jour des vents, toutes les six heures...
Je n’ai pas raté une seule mise à jour. Cette année, j’étais super motivé depuis le départ. Mon objectif, c’était de gagner. J’ai réalisé ça parce que j’avais l’expérience et la technique. Il y a aussi eu la chance car ce n’est pas négligeable. A un moment donné, vous prenez des options. Soit elles sont gagnantes, soit elles sont perdantes. Les planètes étaient alignées pour moi. Les deux options que j’ai prises se sont avérées gagnantes. Lesquelles ?
C’était le cas dans la remontée de l’Atlantique. Au niveau de l’équateur, j’étais entre la 50e et la 100e place. Je me suis dit: "Ton objectif est de gagner, il faut que tu fasses quelque chose". Je suis parti à l’ouest. J’ai quitté le groupe. Une trentaine de joueurs ont fait comme moi. Il s’est avéré que c’était la bonne stratégie. Ça nous a permis de remonter dans les dix premiers. La seconde option, c’était à trois, quatre jours de l’arrivée. J’ai tourné vers le nord un peu plus tôt que les autres. J’étais devant le groupe et ensuite, on est irrattrapable. Il paraît que vous avez développé votre propre logiciel de routage ?
J’ai un passé technique fort. J’ai une formation d’ingénieur. J’ai travaillé dans la navigation chez Thalès et Safran (ex-Sagem). Tout ce qui est navigation des avions militaires et des bateaux. J’ai une très bonne connaissance de cette technique. Partant de là, j’ai développé mon propre routeur qui détermine la meilleure trajectoire à suivre en fonction des prévisions météo annoncées par les organismes officiels mondiaux comme la NOAA américaine (National Oceanic and Atmospheric Administration) et l'ECMWF européenne (European Center for Medium range Weather Forecasting). Vous devez faire des envieux, non ?
Ce logiciel ne suffit pas, attention ! Il permet de trouver la meilleure trajectoire possible en fonction des vents connus ou prédits. Mais la prédiction n’est pas forcément ce qui va se réaliser. C’est là où la chance arrive. Quelqu’un qui n’a pas de routeur peut prendre une option qui peut être payante à trois ou quatre jours. Avez-vous déjà pratiqué la voile ?
J’ai eu quelques relations avec les personnels qui s’occupaient du bateau lorsque j’étais chez Safran. Je m’étais occupé du système de navigation. Je connais un peu le milieu. J’ai pratiqué la planche à voile, le Hobie Cat, j’ai un petit voilier de croisière. C’est un milieu qui m’intéresse. Avez-vous sacrifié beaucoup de temps avec votre épouse pour ce jeu ?
On va faire une petite pause. Je ne vais pas reprendre les courses tout de suite. Je ne devrais pas dire ça mais la victoire, c’est un peu grâce au confinement que nous nous sommes imposés. J’ai 65 ans et je fais très attention, j’ai pu y passer beaucoup de temps. Si j’avais eu une vie normale, il aurait été plus difficile de gérer cette contrainte d’aller voir ce bateau toutes les six heures. Huit heures par jour, c’est le minimum. Vous passez deux heures à chaque changement de vent. Il y a certaines périodes où j’ai passé beaucoup de temps à développer mon logiciel. Il y a des bugs qui sortent au fur et à mesure de la course. Et il faut les corriger. Et là, le stress monte. Depuis ce matin,vous êtes assailli ?
J’ai au moins 500 messages qui ont été reçus. Au début, je répondais à chacun d’entre eux. Depuis 11h, ça a explosé. Prêt pour une nouvelle course ?
J’ai touché le Graal en gagnant. Ce matin, je me suis dit: "C’est bon, j’arrête". Mais mon épouse m’a répondu qu’avec tous les efforts, que j’ai faits niveau développement, c’est impossible de s’arrêter. Je pense que je vais me reposer un petit peu puis que je reprendrai Virtual Regatta dans quelques mois.
_________________ [ On savait qu’il y avait quelque chose de pas normal mais on ne savait pas quoi. Mais comme quoi, on prévoit toujours plein de choses, on se gargarise, on fait du blabla dans les journaux… Et en fait l’autre jour on m’a dit « bien dire fait rire, bien faire fait taire » je voulais l’écrire en gros dans mon bateau.Jean Le CAM.]
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