Pas tout à fait d'accord avec la dernière analyse de Skal.
Cette analyse a l'air de considérer que pour viser une v-min maximale en jibe, il faut faire un jibe sans engagement, un courbe molle qui privilégie essentiellement la descente au vent.
Je pense au contraire qu'il y a (pour schématiser) plusieurs étapes dans la réalisation d'un tel jibe, et dont la courbe idéale résultante n'est pas un cercle parfait, mais sans doute quelque chose de beaucoup plus proche que ce que skal préconise par ailleurs...
Le point fondamental, c'est que contrairement aux sports à moteur (moto, auto), ou aux sports de descente (ski, vtt) qui permettent une force propulsive durant la totalité de la courbe (sauf les phases de début et de fin dans le cas de carving extrême en ski/snowboard si l'on se retrouve en travers de la pente), la planche a l'énorme particularité de ne plus offrir de propulsion durant la phase cruciale de la courbe, celle où l'on rencontre l'axe du vent. C'est donc la phase de la manoeuvre sur laquelle il ne faut pas s'attarder (un long vent arrière est l'erreur la pire en l'occurrence). Le jibe idéal devrait donc, me semble-t-il, présenter la courbure maximum sur cette phase du jibe (force centrifuge importante), pour "quitter le vent arrière" au plus vite, sans toutefois compromettre la vitesse acquise par un appui inconsidéré.
En conséquence, voici comment je décrirais la conduite de jibe maximisant la v-min :
1) une abattée progressive voile bien bordée jusqu'à environ 125-130° du vent, pour maximiser l'accélération et donc la vitesse en entrée de jibe. Sur toutes mes analyses de jibes, ma vitesse max se situe à cet angle là, c'est-à-dire que je vais plus vite durant le premier tiers de mon jibe que pendant le reste de ma navigation avant et après ce jibe.
2) on est maintenant à vitesse maximale, mais l'angle au vent va devoir s'accroitre puis franchir les 180°, si bien que la traction dans la voile va devenir progressivement nulle voire négative (frein) si placée à contre. Il va donc y avoir décélération (frottements du flotteur nettement supérieurs à la force propulsive de la voile, d'autant que le flotteur est maintenant à vitesse maximale, c'est là tout le paradoxe), et c'est cette phase dont il va falloir réduire la durée. Je préconise donc ici un prise d'angle plus franche jusqu'à sortir des 180° et se retrouver à environ 125-130° sous l'autre amure
3) on retrouve progressivement de la traction dans la voile au fur et à mesure que l'on revient vers les 90°. Il faut retendre la courbe (relâcher la prise d'angle) pour favoriser l'accélération maximale. C'est souvent à ce moment là que se situe la v-min, lorsque la force de traction vient égaler de nouveau les force de frottements qui nous font décélérer depuis le milieu de la phase 2. Pour ma part, il n'est pas rare que j'aie une portion de trajectoire rectiligne en abattée (disons 110° du vent), preuve de plus que je ne préconise pas une trajectoire en demi-cercle parfait.
Il va de soi que ces 3 phases sont caricaturales, s'agissant en fait d'un manœuvre fluide et continue. Mais cela permet de réfléchir sur certains aspects cruciaux.
Dans ces 3 phases, c'est la 1) qui est à l'origine du maximum de perte sous le vent. La 2), idéalement, devrait justement réduire cette perte sous le vent au maximum (c'est sans doute là que se situe mon désaccord avec Skal), car toute perte sous le vent sur ces angles implique d'irrémédiables pertes de vitesse (zone sans traction). La 3) entraine de nouveau une perte sous le vent plus ou moins importante, mais que chacun peut moduler selon ses souhaits : sur des bords de 2km, on recherchera sans doute la reprise de vitesse maximale en acceptant d'abattre (pourquoi se recaler à 90° immédiatement alors que l'on a 2km pour récupérer quelques dizaines de mètres sous le vent ?), tandis qu'à Bercy, on se mettrait immédiatement au près serré.
On parle ici de jibe idéal, selon les critères de chacun, certes, mais, vu le titre du sujet, dans des conditions de vent, de plan d'eau et de matos idéales. Cela veut dire navigation "très toilé", eau plate, voire une longue houle. Les conseils de Skal sur l'appui initial très fort induisant une perte (éventuellement volontaire) de vitesse initiale pour garder du contrôle sont très pertinents dans les conditions délicates, mais qui ne sont pas celles dont on parle ici où il s'agit de réussir ses meilleurs jibes.
Enfin, et puisque je privilégie les sensations dans ma pratique, j'ai remarqué que le critère v-min est très révélateur de la sensation de jibe réussi ou raté que l'on a eue sur l'eau. Les temps d'entrée/sortie, et les vitesses d'entrée/sortie sont beaucoup moins accessibles à l'intuition.
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