Aile rigide et voiles souples: le jeu des différences selon les concepteurs du foiler Mirabeau LX :
Une aile rigide possède un coefficient de portance supérieur aux voiles souples, car elle est profilée (forme en goutte d'eau) alors que les voiles souples sont des surfaces simples. Pour y parvenir, l’aile rigide présente 3 caractéristiques principales: • une traînée 2x moins importante (due à son profil cambré presque parfait et de l'effet de fente qui élimine bien mieux les turbulences); • une maîtrise précise de sa forme, en particulier de sa cambrure par le contrôle de ses volets; • une portance efficace même à des angles très faibles (due à sa rigidité). Par rapport à un jeu de voiles souples, une aile rigide offre un gain de portance de 50% à 100%. Sur le maxi-trimaran de la 33e America’s Cup, les évaluations du bureau de design HDS – Conception, Calcul et Etude de structures, impliqué dans la conception du BOR90 et de son gréement-aile, tablaient sur un coefficient de portance de 2,5 pour une aile rigide, contre 1,2 pour un gréement traditionnel.
Par sa rigidité et son profil, un gréement-aile présente aussi quelques inconvénients: • il requiert une vitesse minimale pour déployer ses avantages (variable selon la taille et le déplacement du bateau), • sa surface établie n’est pas modifiable, alors que les voiles souples peuvent être réduites, • il nécessite un lieu de stockage (remorque, hangar), alors que les voiles souples se roulent ou se plient; • la membrane de surface thermo-rétractable est très fragile lors d'impacts (coups, chutes, etc...) mais se répare très facilement.
"L’avantage principal de l’aile, explique Thomas Jundt, c’est qu’elle a deux fois plus de finesse que des voiles souples et présente donc une traînée aérodynamique deux fois plus faible. Au près, on observe un meilleur cap, et au portant, le gain est encore plus important dès qu’on vole".
Les inconvénients d'une voile souple comme nos voiles de courses actuelles en planche à voile (design de type "D") ont en grande partie comme origine une importante traînée qui se situe en 3 endroits : 1) sur l'intrados, au point de corde d'environ 30-33% qui se situe en avant de la laize verticale lorsque le double fourreau s'aplatit pour ne former qu'une monocouche simple épaisseur. A cet endroit se développe toujours une bulle de décrochement de l'écoulement laminaire et donc, formation de turbulences et traînée accrue. Plus on relâche au point d'écoute, au plus on a du creux qui se développe à cet endroit (la cambrure devient imparfaite et trop cassée en forme de V au lieu d'un S harmonieux), au plus la bulle grandit avec une péjoration de la traînée à la clé; 2) sur l'extrados, entre le milieu de la voile jusqu'au bord de fuite. A cet endroit se produit toujours un décrochement de l'écoulement laminaire et donc, formation de turbulences et traînée accrue. Plus on relâche au point d'écoute, plus le profil va se bomber vers le bord de fuite, plus importante sera la traînée. 3) au portant, il est essentiel que la voile vrille (twist) de bas en haut de sa chute. Plus le rond de chute est tendu, au plus il y aura des turbulences sur l'extrados vers la tête de la voile et donc traînée accrue. Une chute molle permet justement de faire vriller correctement la voile au portant et donc minimise la traînée en tête de voile.
En guise de conclusion purement théorique, avec un rendement de 1,2 pour une voile souple, il faudrait un vent de 54 noeuds pour atteindre une vitesse de 65 noeuds et battre ainsi Vestas. Avec un rendement de 2,5 pour une aile rigide, il faudrait un vent de 26 noeuds pour atteindre cette même vitesse maxi. L'état du plan d'eau n'étant pas le même entre ces 2 forces de vent, il me paraît évident que l'écoulement hydrodynamique que subissent la planche et son aileron immergé sera moins perturbé (moins de traînée) si le plan d'eau est lisse et sans irrégularités (clapot). Le foil a l'avantage supplémentaire de pouvoir s'affranchir des irrégularités d'un plan d'eau ouvert (pas de clapot, pas besoin d'un canal) tout en réduisant massivement la traînée hydrodynamique globale de l'embarcation.
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