La question est précise : savoir s’il y a des différences de performances entre des voiles de série, et non pas de savoir quel élément du combo Rider - Planche - Voile - Aileron a le plus d’influence. C’est une banalité de dire que le Rider fait la différence, et ca ne fait pas vraiment avancer la science : le matos progresse, il suffit de voir l’évolution des vitesses en 10 ans pour tout le monde. On part aussi du principe qu'on sait régler une voile de slalom, sinon il vaut mieux prendre des voiles moins pointues.
Lors d’un échange avec Claudio Badiali (le designer de Challenger Sails - et des P7 jusqu’à 2014), Sebastian Koerdel (le coureur allemand) disait le mois dernier qu’il fallait une alchimie entre la voile et le flotteur : la performance d’une marque de voile s’exprime pleinement avec certains flotteurs, et parfois nettement moins avec d’autres. Sebastian disait d’ailleurs que ses GA Sails se combinaient parfaitement avec ses Starboard. Donc pour comparer différentes voiles entre elles, il faut bien partir d’un rider donné avec une planche et un aileron donné et juste changer la voile pour comparer un seul élément à la fois.
Dans les mises au point chez Challenger Sails, on mesure 3 familles de paramètres de performance des voiles en slalom (voir tableau
https://media.joomeo.com/large/5a4debb00c98f.jpg utilisé chez Challenger) :
- GPS : voir tableau
- Feeling : voir tableau
- Match Test : on échange juste les gréements entre coureurs et on tire les mêmes parcours
La mesure GPS est un truc compliqué à exploiter dans la réalité. J’ai fourni des programmes GPS (dont certains n’ont pas été publiés), et ce à pas mal de monde (Pierre Mortefon, Pascal Toselli, Alex Cousin,…). Le retour terrain est qu’il est difficile de comparer les chiffres GPS en swappant les voiles, car les conditions varient toujours d’un instant à l’autre. Pour autant, ca permet quand même de confirmer ou d’infirmer un feeling ou un match test. Pascal Toselli me disait d’ailleurs qu’il « sentait » immédiatement si la voile/avançait bien ou pas, et ce sans GPS… et jusqu’en 2016 il n’en utilisait jamais.
Les mesures « Feeling » et « Match Test » sont finalement les principaux paramètres utilisés pour faire évoluer les voiles d’une année sur l’autre, le GPS vient conforter les résultats.
Quelques exemples concrets d’évolution de performance dans le monde des voiles de slalom (pardon par avance de prendre certains exemples chez Challenger Sails, mais c’est la marque que je connais le mieux, et de l’intérieur) :
- En 2016, North a sorti une 9,2 m2 qui a fait la différence dans le petit temps. Cette voile a été une référence chez les designer pour améliorer les modèles 2017. Aujourd’hui pas mal de marques ont fait évoluer leurs grandes surfaces pour faire aussi bien ou mieux.
- En 2016, Pascal Toselli trouvait que les Aero était parmi les plus rapides du marché en top speed (avec les P7). Mais il reprochait à l’Aero 2016 de ne pas repartir assez vite en sortie de bouée, en particulier sur les grandes surfaces dans le petit temps. Pour les 2017, Claudio a donc travaillé le facteur « accélération », avec une chute un peu plus tendue et un creux un peu plus prononcé en milieu de voile.
- Pour la mise au point des Aero 2018, Claudio a produit plusieurs sets de voiles en 7 lattes plutôt qu’en 8 lattes. Objectif : allègement de la voile. Mais les Matchs tests ont donné des résultats clairs : dans les plages basses les 7 lattes tenaient la route, mais dès qu’on passait en plage haute, les 8 lattes passaient systématiquement devant.
- Taille du fourreau : plus il est large, plus la voile reste stable en plage haute. C’est l’effet de « poutre » dont parle souvent Eric Doux (Planche Mag) : plus un fourreau est large, plus le corps de la voile sera stabilisé et rigidifié par les deux « piliers » que constituent les coutures de part et d’autre du fourreau, qui sont sous tension entre le pied de mat et la têtière. Il suffit de comparer les fourreaux des différentes marques pour voir que la tenue dans le vent fort ne sera pas aussi bonne d’une marque à l’autre, même si d'autres paramètres de design entrent en jeu (je ne parle que de ce paramètre de perf).
Les marques se tirent la bourre chaque année pour faire progresser leurs voiles. Certaines années il y a des avancées significatives, d’autres années c’est moins le cas. Globalement les perfs augmentent chaque année. Il y a des différences de perf entre les marques de voiles et elles se traduisent par le fait de repartir plus ou moins vite au planning, par des écarts en top speed, par une tenue plus ou moins facile en plage haute, par un jibe plus ou moins facile, ou tout simplement du confort… et même à nos niveaux de bulots, on peut le sentir.
_________________
Laurent - Challenger Sails France -
https://chswindsolutions.com - Association Windsurfbreizh22