Bonjour tous!
Ca fait longtemps que je lis ce forum. D'abord pour les petites annonces. Puis, pour trouver des conseils. Des conseils pour le windfoil. Cette bête bizarre, fascinante, et qui m'a été si dure à apprivoiser! A mon tour de vous raconter mon parcours, mes galères, mes astuces... et inspirer (ou rassurer?) ceux qui ont, ou vont, franchir le pas.
Un peu d'histoire d'abord. Retour. Loin.
1992: premier bord en planche.Il y a bien 28 ans de ça, je mettais mes pieds pour la toute première fois sur une planche à voile. Un vieux truc vous savez, style windsurfer, avec le whishbone qui tient au mât avec un bout, une dérive, et une voile en triangle. Je ne me souviens même plus s'il y avait une latte. Sur le plus petit étang - flaque? - du monde*. 70m d'une berge à l'autre. Fascination. J'avance sans faire d'efforts!!!! le feignant de 12 ans que je suis est subjugué.
La passion est là, les parents sont compréhensifs, ils m'achètent une Tiga Sprint d'occas, et je migre sur le lac de Nantua. Ca fait des bord un peu plus sympas quand même

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Quelques années plus tard, j'ai une Bic Saxo 265, passe le racing jibe, le waterstart, toussa toussa, me retrouve en 98 à tirer un bord Gruissan-Port la Nouvelle dans 30knts de tram avant que le défi existe.
En 99, 3 semaines à Essouira. Avec des potes mal choisis. Ca tourne pas bien, je perds le plaisir, débute les études en région parisienne, ma Saxo 265 prendra la poussière pour les 15 années à suivre.
Avance rapide.
2014, la reprise.J'ai 3 enfants, j'habite dans l'Oise, et mes rêves de tire-veille sur les 83 litres de ma Saxo sont loin - il y a bien 20kg de plus à faire flotter. Les enfants commencent à grandir, et l'envie de plancher me reprend. Je trouve une Vivace 290 et une 7m² pas cher à côté de chez moi, une flaque à peine plus grande que la première (200m...): go. Re-planning, re-plaisir, re-passion. Comment j'ai pu ne pas en faire pendant 15 ans?
Rapidement le matos évolue, bien plus vite qu'à l'époque - et ouais, quand on est grand, on a des sous! Je me mets une 104l carbone sous les pieds, une poignée de cambers dans les voiles, et emmène tout ça en Bretagne une semaine par an.
Puis révolution - mes parents achètent un petit pied à terre près du lac de Sainte Croix. Eau douce, chaude, paysages fabuleux et bords de 2km, 2 semaines par an. Oui mais... à Ste Croix, le thermique c'est tous les soirs. Tous les soirs, mais 8-12knts. 3 jours sur 4, ça ne plane pas en 104l et 7m². Damn! et dilemne. On est en 2017, le windfoil commence à percer. Alors, planche de formula + 10m² pour planner presque tous les jours, ou foil?
2018 - le foil, la galère.J'ai craqué. Enfin, à moitié: j'ai pris une convertible, pour avoir une planche de "light" au cas où le foil ça passe pas (algues dans les flaques picardes, ou si c'est trop dur): une NeilPryde RS:One convertible trouvée d'occaz chez un gars... qui s'est découragé et qui revend.
Premiers bords, vent 5-15knts: je pars en 7m² sans harnais, sans straps, stab calé à cabrer avec une rondelle. Pas de soucis au décollage: ça sort de l'eau sans problèmes! oui, mais systématiquement, TOUT sort de l'eau. Chaque décollage est suivi d'un magnifique crash. Je ne gère rien dès que le foil porte: ça part au lof immédiatement, ça sort de l'eau, ça décroche, et ça fini sur le nez ou sur la tranche. Quelques frayeurs, pas de bobos. Je remets le strap avant: à peine mieux, j'arrive à moins me crasher, mais impossible de stabiliser le vol. La poussée phénoménale du foil me tétanise et me fait peur, je n'arrive pas à être tranquille. Après plusieurs essais pendant les 15 jours à Ste Croix, je remballe, avec comme meilleure perf peut-être 30m en vol, à faire le yoyo, sans décider d'où je vais.
Je retente quelques semaines plus tard dans la baie de Concarneau, avec pour le coup un moniteur dégoté là-bas. 8-12knts, 7m². Sans strap arrière toujours, stab à cabrer encore, mais avec le harnais ceinture. Bilan: un peu mieux, plus de crashs, quelques vols, mais toujours une grosse envie du foil de tester sa portance dans l'air alors qu'il n'est clairement pas fait pour ça.
Retour à la maison, je stocke pour l'hivernage, avec des doutes, mais un goût de revanche. J'en ai vu, des foils, à Concarneau, traverser la baie sans toucher l'eau: c'est bien que c'est possible! J'insiste.
2019 - la révélation.Retour à Ste Croix. Cette année, c'est vole ou crève.
Quitte à ne pas y arriver, je vais essayer de nouveaux trucs. Déjà: je revisse le strap arrière, et j'enfile le harnais. Psychologiquement, j'ai beaucoup moins peur quand je me sens "harnaché". Et vu que je ne peux pas tomber plus, au moins, je serais plus sécurisé.
Je décide aussi de naviguer: tant pis si je n'arrive pas à voler longtemps, déjà, je plane facile avec cette planche et ce foil. Les premières journées seront donc au planning, au harnais, dans les straps, et au contact de l'eau... un peu comme en formula, quoi.
Et doucement, je dompte ce monstre de puissance sous mes pieds. Progressivement, je le laisse sortir un peu de l'eau, avant de l'y re-plaquer fissa. C'est qui le patron! Je fais de jolis bord, la carène caressant l'eau, avec de petits bonds que je rallonge peu à peu.
Les bonds finissent même par durer. Ca commence à rentrer! Au bout de 2 semaines, mes vols font quelques centaines de mètres. Le décollage est toujours passif (si je pompe je ne contrôle plus rien), la hauteur minimale. Mais j'apprends à réagir aux montées et aux réactions du foil: ce n'est pas stabilisé, loin de là, mais contrôlé, avec plus ou moins d’adresse. Je remballe avec le sentiment que ça va le faire. Faut bosser!
A l'automne, je m'offre quelques sessions bonus à Lery-Poses, près de Rouen. Ca souffle fort (20knts), j'ai le choix: aileron en 7m² ou foil en 5.3... ce sera foil. Faut bosser, j'ai dit! et là, contrairement à ce que j'imaginai, tout est d'un coup plus facile. Foil + petite voile, ça change tout. Ca change surtout que les réactions du gréement déstabilisent beaucoup moins le foil. Ca vole, et ça vole vraiment. Je tiens pour la première fois tout un bord en l'air (800m). Je peux remiser le matos pour l'hiver sereinement: ça y est, je fais du windfoil!
2020 - la confirmation.Je suis descendu à Ste Croix cette année le couteau entre les dents. Je traverse le lac sans poser ou je ne rentre pas.
Sur le toit de la voiture une nouvelle 7m² (merci pour les conseils, Eric de glisseattitude**!): une GA Matrix, qui remplace ma désuète Pryde Solo. Étrennée à Léry-Poses, j'ai pu constater qu'une voile correcte, ça aide pas mal!
Fissa également la cale de stab, que je met à 0, et le harnais ceinture, que je remplace par mon fidèle harnais culotte qui m'a toujours accompagné en aileron.
Et la magie opère. 2 semaines = 13 jours sur l'eau avec au grand mini 3-4 vols les pires jours, les kilomètres qui s'enchainent, plus de crash, et des vols maintenant limités seulement par les molles ou l'arrivée des berges. Pas osé tenter le jibe encore...
La vitesse se stabilise également. Je tourne à 15knts quelque soit le vent ou l'allure - c'est la vitesse à laquelle je suis bien, où mes appuis sont centrés. Encore un peu de mal à serrer très fort le près, et pas osé partir vent arrière (faut enlever le pied du strap arrière qui m'est tellement précieux...). Par contre le pumping c'est bon! j'arrive même à "forcer" mes décollage alors que le vent est encore insuffisant pour tenir en l'air.
Objectif pour l'année prochaine: accélérer, et travailler l'up&down! et peut-être commencer à réfléchir à un nouveau foil

Alors, au bilan?
Ben au final, je dirais que le foil c'est dur. Décourageant. Ca l'a été pour moi. Mais en insistant beaucoup, ben à la fin, ça marche.
Des conseils? Difficile à dire, je me suis surtout rendu compte que ce qui marchait pour certains (pas de strap arrière) ne marchait pas forcément pour moi. Je pense qu'il n'y pas pas de règle absolue. Faut essayer des trucs. Ce qui a marché pour moi:
- les 2 straps et le harnais culotte! l'effet est peut-être avant tout psychologique, mais d'être scotché à la voile et au flotteur m'a rassuré et aidé.
- naviguer sans voler ou presque. Faire de la "formula" en foil. Ca m'a permit d'intégrer le réflexe "bassin en avant" pour replaquer le foil, et de contrôler les montées intempestives.
- vent medium et petite voile! c'est fou ce que la voile influe sur l'équilibre du foil. Petite voile = moins d'effets parasites. Faut pas avoir peur, le foil, c'est plus facile avec 15-20knts et 5m² que 10-15knts et 7m². Allez-y quand ça souffle!
- se faire aider. Je n'ai pas croisé beaucoup de pratiquants, mais chaque fois que ça c'est fait, les "forts en foil" ont sû me donner le bon petit conseil au bon moment.
- et pratiquer, insister, pratiquer encore. Le foil c'est comme le vélo: personne ne peut vous expliquer comment ça marche! on monte dessus, on tombe, et on remonte jusqu'à ce que ça roule. Le foil c'est 99% de proprioception. Faut que le cerveau se câble. Et il n'y a malheureusement pas de roulettes.
- toujours avoir pendant l'apprentissage un aileron et une planche de fun pas loin, pour se recharger en plaisir quand c'est trop galère...

Voilà!
Je remets mon foil sur le toit de la voiture vendredi, direction la Bretagne (Concarneau). A suivre...
Charles
*: lac de Lalleyriat... cherchez-le sur google map, pour voir!
** Alors, j'ai pas l'habitude de faire de la pub, mais un vendeur, dans un shop, qui vous décourage d'acheter pour 1000 balles de matos chez lui parce que c'est pas forcément le meilleur pour vous, c'est rarissime. De la conscience professionnelle à l'état pur, ou alors, enfin quelqu'un qui a compris qu'un client en confiance, même s'il ne dépense pas tout de suite, ben il reviendra... Je reviendrais, Eric! Merci encore.