A JPQR:
Désolé de savoir que c'est chaud pour toi et les tiens, JP. Ton ami Wanakam, c'est un type bien; ce qu'il dit est tellement et tristement vrai.
AddictOwind a écrit:
A vous lire ou voir par bribes des reportages sur le terrain comme on dit, j'ai vraiment l'impression qu'il n'y a pas (plus ?) de cohabitation possible entre les "canaques" et les "caldoches".
C'est vraiment flagrant quand je vois les images des barrages et celles des "milices" : barrages 100% canaques et milices 100% "blanches".
C'est la réalité du terrain, ça a toujours été comme ça ? Ou c'est les images choisies par les médias qui pourraient laisser penser ça?
Il n'y a absolument plus de dialogue entre les 2 "communautés" dans la vie quotidienne ?
La cohabitation entre les Canaques (qui sont des Mélanésiens, comme les Papous ou les Fidjiens) et les autres communautés est parfaitement possible, malgré les exactions commises:
1- On n'a pas encore atteint le stade de guerre civile, et il n'y a eu "que" 4 morts par balles (la 5ème était purement accidentelle, tir à l'intérieur d'une caserne). Pendant les Evènements de 1984 à 1988, qui ont été une guerre civile, il y a eu des dizaines de morts, et pourtant la paix est revenue de 1988 jusqu'à aujourd'hui.
2- Les exactions sont commises principalement par de très jeunes Canaques (15 à 25 ans), fortement alcoolisés et sous l'emprise des stupéfiants, et seulement dans le Grand Nouméa. Le reste du pays est calme.
3- Le reste de la jeunesse a bien moins une mentalité "us and them" que leurs aînés, et se mélangent bien plus facilement. Ils ont un désir réel de tous vivre ensemble, de même qu'une grande majorité des adultes.
4- Les quartiers qui "ramassent" le plus sont ceux avec les plus fortes concentrations de Mélanésiens, parce que ces jeunes en sont issus, et brûlent tout devant chez eux, ou juste à côté. Donc des Canaques ont eux aussi mis des barrages dans leurs quartiers pour se protéger des vandales, et se sont mobilisés pour protéger les entreprises où ils travaillent (ou qu'ils possèdent) et les commerces où ils se servent (ou qu'ils possèdent).
5- Les leaders indépendantistes et loyalistes se connaissent tous, se tutoient, sont parfois allés ensemble à l'école, se claquent la bise quand ils se rencontrent, et appartiennent vraisemblablement aux mêmes loges maçonniques.
Il y a depuis des années des exactions commises quasiment en permanence par les mêmes jeunes, par désoeuvrement; à bien plus petite échelle, mais avec parfois mort d'homme: écoles, dispensaires, commerces, entrepôts ... incendiés de façon sporadique, caillassages, parfois tirs à balles sur des automobilistes (ces deux types d'exactions sont les "spécialités" reconnues de la tribu de Saint-Louis, au Mont-Dore où habite Yyougoz, juste à l'extérieur de Nouméa). Cela ne nous jamais empêchés de vivre en paix les uns avec les autres. L'immense majorité des Canaques condamne ces crimes, et désire vivre en bonne intelligence avec toutes les nombreuses autres communautés (qui désirent toutes la même chose): Caldoches, Zoreilles (Métropolitains), Wallisiens (des Polynésiens originaires de Wallis), Tahitiens, Vietnamiens, Indonésiens, Arabes (descendants des Kabyles révoltés et déportés en 1918), Japonais ... Toutes ces communautés se sont remarquablement bien intégrées.
Ce qui s'est passé il y a 3 mois, c'est qu'un groupe radical issu des partis indépendantistes, nommé la CCAT (Cellule de Coordination des Actions de Terrain) a été formé pour organiser de grandes manifestations contre le dégel du corps électoral, donc pour empêcher de voter des gens qui vivent ici parfois depuis 25 ans, y ont eu et élevé leurs enfants, ont des entreprises ou des emplois de longue durée, bref, y ont leur vie. Ils ont rassemblé et organisé ces jeunes, dont certains ont des casiers judiciaires très lourds, et ont déclenché ces émeutes. Les leaders des partis indépendantistes traditionnels n'ont appelé au calme ces jeunes ni après la première nuit d'exactions, quand des dizaines de commerces avaient déjà été incendiés, ni après la deuxième nuit, quand ça a continué, mais seulement après la troisième nuit.
Vingt leaders de la CCAT ont été assignés à résidence, et des enquêtes sont ouvertes à leur égard.
Les comportment de ces jeunes ont exactement la même cause que celui de leurs homologues de nos banlieues françaises: une démission totale de leurs parents, qui ne leur ont jamais inculqué de valeurs, de discipline, ni même imposé de limites. Pour eux, casser, incendier, et parfois tuer, c'est un jeu.
Je suis persuadé que l'Etat va parvenir à rétablir l'ordre assez rapidement, que les leaders loyalistes et indépendantistes vont négocier entre eux (ils ont commencé à la faire de façon informelle depuis quelques temps) et trouver un accord durable, et qu'on sera reparti pour des années de paix.
Par contre, étant données l'ampleur des destructions, la disparition de dizaines, ou probablement, de quelques centaines d'entreprises, et la perte de plusieurs milliers d'emplois, même avec une aide financière massive de la France, on voit mal le pays se remettre économiquement à court terme de ce désastre total.